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La Sorcière et la fureur

  • Photo du rédacteur: Thizbel
    Thizbel
  • 6 juin 2019
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 nov. 2019

« Poser par écrit son ressenti permet souvent d'y voir plus clair, notamment de savoir vers qui ou quoi est dirigée la colère (tu verras, généralement on s'aperçoit que c'est vers soi). »


Apolline, je l’ai crainte longtemps, et sûrement un peu détestée. Elle me faisait peur, tout en elle me faisait me sentir pas à ma place, pas souhaitée, et prise malgré moi dans une comédie dont je n’avais même pas le scénario. Elle avait l’air feinte, comme si tout chez elle, le moindre mot, le moindre geste, avait été calculé, construit, décidé à l’avance selon un espèce de cahier des charges de la personnalité qu’elle souhaitait montrer au monde. Et moi, dont les propres névroses et insécurités sociales me poussent à une méfiance plus ou moins difficile à combattre envers les autres, cette apparente absence totale de spontanéité et d’authenticité me mettait dans un profond malaise dès qu’elle se trouvait dans mon environnement immédiat.

Finalement, un coup de colère, beaucoup de franchise et quelques cocktails cognac-gingembre à la terrasse d’un bar en été ont permis de mettre au jour pas mal de malentendus, quelques mensonges huile-sur-le-feu de la part d’agents extérieur, et des explications qui ont permis de changer radicalement notre approche du caractère de l’autre. Elle est restée cette personne bizarre – je suis mal placée pour reprocher ça à qui que ce soit – mais dans un sens qui était devenu bien plus positif. J’ai notamment découvert qu’elle était de très bon conseil, une sorte de sorcière spécialisée dans la relativisation émotionnelle, et elle est devenue ma bouée de sauvetage dans les moments de tempête, ceux où j’ai du mal à respirer et à réfléchir. Elle est peut-être la seule qui sache aussi bien me calmer, me pousser à souffler et me poser, m’encourager à faire preuve de bienveillance envers moi-même et m’éviter d’agir par impulsivité. Elle m’a souvent aidée à trier le bon grain de l’ivraie, à ne faire des choses qui semblait me tenir à cœur qu’une fois sûre que je ne les regretterai pas l’émotion passée.


Ce conseil-là était la clé, évidemment. Ce qui le montre le mieux est peut-être que je me suis sentie incapable de l’appliquer immédiatement, preuve que son accomplissement présenterait son lot de difficultés.

Putain oui, qu’est-ce que je suis en colère. Qu’il m’ait presque suppliée de nous redonner une chance à coups de jolies promesses et de grandes résolutions pour n’être que déceptions dès quelques semaines passées, à m’imposer des reculades, des limites et des barrières dans notre relation, à ne pas s’impliquer, à ne pas m’assumer. Qu’il n’ait tenu qu’une poignée de semaines avant de développer sa petite amourette d’ado dans mon dos, et par dessus le marché peu de temps après m’avoir déjà fait du mal avec une autre nana dans des conditions sordides ; une amourette bâtie sur du « messenger » avec une femme qui vit loin, tellement plus facile et égoïste qu’une relation construite dans le quotidien.

Putain oui, qu’est-ce que je suis en colère contre moi. J’avais tous les signes. Je n’avais pas confiance en lui, je ne me sentais pas en sécurité émotionnelle, je ne me sentais pas libre de le prendre dans mes bras ou de lui dire des mots doux, j’avais toujours peur de ses réactions, qu’il se braque, qu’il me fasse de la peine avec des mots qu’il sait faire si coupants. Je n’osais pas parler de mes propres projets de crainte qu’il trouve que je marche sur ses plates-bandes ou que je le « copie » alors même que ces projets étaient antérieurs à notre relation (bon sang, comment est-ce possible d’avoir des peurs aussi puériles à bientôt trente ans ?). Je me suis effacée pour laisser la place à son ego, ses angoisses et ses caprices. Et rien ne m’y forçait. Je pouvais partir. J’aurais dû partir. Ces mois de ma vie, ce n’est pas lui qui me les a enlevés : c’est moi. J’ai laissé ça se produire en retombant dans des écueils pourtant déjà si souvent explorés et dont je croyais avoir fait le tour. Quelle est cette dynamique étrange qui vous pousse à faire des choix si contre-intuitifs ? Un mec vous fait vous sentir indigne d’être vue en sa compagnie, présentée à ses cercles ; il traite vos opinions avec une certaine dose de condescendance ; il vous malmène avec de constants désengagements affectifs : vous devriez partir, non ? Vous devriez vous dire « bien sûr que je mérite d’être aimée, désirée, et présentée avec fierté ; s’il n’en est pas capable trouvons quelqu’un qui le sera ». À la place on se retrouve à faire de cette personne qui vous considère si peu l’enjeu absolu, l’autorité suprême qui décidera de si vous méritez ou non, et vous faites tout pour vous faire aimer de lui, à croire que si lui ne vous aime pas c’est que personne ne vous aimera jamais, comme si tout se décidait avec cette personne-là dont vous voyez pourtant très bien les failles.

Je ne suis même pas sûre de l’avoir aimé. Je sais quelles sont les qualités qui m’importent le plus chez les gens, et nombreuses sont celles qu’il ne réunit pas. J’ai beau chercher, je ne trouve même pas de vrai joli souvenir, et j’ai le sentiment qu’avec le recul ne me restera en mémoire qu'un manque de sens et une sacrée perte de temps. Tout ça c’est de l’ego. Pas l’orgueil ou la fierté ; l’ego qui ébranle, celui qui fait mal, qui vient de loin, celui qui vous aveugle, ou plutôt qui vous ôte l’odorat alors même que vous êtes dans une situation qui pue la merde à plein nez.


On dit que la colère est une des étapes du deuil. J’ai hâte de m’être pardonnée.

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