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Un jour j'ai eu 19 ans

  • Photo du rédacteur: Thizbel
    Thizbel
  • 7 juin 2019
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 sept. 2019

[J'ai écrit ce texte il y a dix ans. Il était sans pitié pour mes parents - pardon - et beaucoup de choses ont changé, notamment le taux de bonheur de mon existence générale, deux merveilles ayant sensiblement changé la donne et ma vision de la vie. Moi aussi, j'ai appris à arrêter de tourner autour de mon nombril et à me décentrer pour comprendre un peu mieux les autres, les deux personnes suscitées en particulier. Mais il est fidèle à ce que j'étais, et pas tout à fait déconnecté de ce que je suis encore.]



« J’étais ce qu’on appelle une jeune femme pleine de vie, et ces overdoses de désespoir servaient de produits de contraste pour qu’on puisse mieux voir scintiller ma joie. J’ai connu le bonheur invraisemblable des grands tristes, ceux pour qui la lumière est rare. Quand la lumière n’est pas un dû elle devient un cadeau féerique. »


Il est une heure et trente-quatre minutes du matin, je ne dors pas. Comme chaque soir, j’éteindrai la lumière tard. Je suis en ce moment dans ce que les expressions toutes faites appellent un « creux », ou plus euphémiquement encore « une mauvaise passe ». En réalité, plus les jours avancent, et plus j’en arrive à conclure, avec d’ailleurs une objectivité d’une insensibilité plutôt déconcertante, que je sombre dans une phase dépressive. Ce n’est pas que je veuille attirer l’attention en aggravant la situation, d’ailleurs la dépression est une maladie plus répandue qu’on ne le croit, le ministère de la santé ayant d’ailleurs fait à ce sujet une campagne d’information via divers clips vidéos passés sur les grandes chaînes, il y a une ou deux années. Mais mon dossier médical ayant à son actif pas mal de notes du genre « périodes dépressives graves » plus une tentative de suicide plutôt lamentablement arrosée de rhum, j’ai retenu les symptômes.


Pour résumer rapidement la situation actuelle, et si on exclut mon contexte familial totalement pérave, je suis affligée par mon absence totale d’activité intellectuelle, tellement désespérante que j’en viens à me lancer dans des débats insipides avec de (probablement) jeunes internautes sur une faute de grammaire, tout en réalisant que c’est ce qui a le plus stimulé mon intellect ces dernières semaines. Je me suis lancée dans une licence sur la base de conseils malavisés, et dans le but de passer des concours que je ne suis plus sûre d’avoir le courage de passer encore. Licence que j’ai vite abandonnée car elle me désintéressait à peu près intégralement. Pour travailler chez moi, chose que je ne suis manifestement que peu capable de faire. J’attends alors la rentrée prochaine, sans pour autant rentrer chez mes parents (ce qui reviendrait approximativement à une action kamikaze). Donc je ne sers absolument à rien, du moins pour le moment. Je ne me cultive que peu, je ne travaille pas, et je n’apprends pas non plus de travail. Je n’ai ni passion ni talent particulier auxquels m’adonner en attendant. Si j’avais été élevée au sein d'un pays où la réalisation et l'estime de soi était garante ultime de son honneur, autant dire que je me serais déjà jetée du haut du viaduc Kennedy.

Je suis donc en ce moment dans un état larvesque, toujours fatiguée ne faisant pourtant que dormir, avec une image de moi même peu glorieuse, blasée de tout y compris de ce que j’aimerais si les temps étaient meilleurs, et dont le réconfort (ou du moins l’occupation principale) se trouve être internet, les jeux vidéos et le chat, choses que j’avais abandonnées sans regrets lors de ma vie plutôt active de l’année précédente. Tout ceci étant les conséquences du mal-être exprimé plus haut.


D’une manière plus générale, je ne peux que constater que ma vie est très, mais alors très fluctuante au niveau de mon état psychologique. Les expressions toute faites voudraient revenir encore pour dire que c’est habituel : après tout, ne dit-on pas que dans la vie, il y a des hauts et des bas ? C’est vrai. Mais en regardant de plus près, je me suis demandée à quoi avaient ressemblé mes « hauts ». Je me suis souvenue de quelques baisers volés, de moments dans les bras de ceux que j’ai aimés, de découvertes en tous genres, des rires d’amies qui ont parfois été réellement chères, de mots qui m’ont marquée, de moments de liberté, des éclats d’adolescence, puis d’enfance, de mes magnifiques robes de petite fille, des vêtement que je tâchais si souvent, des arbres toujours plus hauts, des week-end où Antoine venait… Et quand j’ai voulu contextualiser ces souvenirs, une réalité terrifiante m’est apparue : je n’ai jamais eu de période heureuse. Je n’ai pas de vrais « hauts ». Je ne dis pas que je n’ai jamais eu de moments heureux, mais ces moments ont tous été des répits, des instants plus ou moins courts où j’ai simplement oublié le reste. Même quand je remonte à ma plus tendre enfance, il y a toujours eu quelque chose qui n’allait pas, [notamment une famille compliquée qui a implosé à l'occasion d'un divorce difficile et tardif.] J’ai clairement un sérieux problème d’ordre émotionnel, si on peut appeler comme ça le trou affectif qui me caractérise, malgré tout l’orgueil qui l’accompagne.

Je ne parlerai même pas des autres problèmes de ma vie, car il y en a eu d’autres c’est certain, d’ailleurs souvent dus à mon besoin affectif obsessionnel. Mon cou en garde suffisamment les traces (et je peux m’estimer heureuse que ce ne soit pas le cas de mes poignets), et je n’aime pas vraiment parler de mes tendances hystériques. Simplement,  voilà : je suis toute détraquée.


« Elle fait tout de travers, elle fonctionne à l’envers, sous ses airs de marquise… »


Bref. Toutes ces plaintes pour dire que Régis Jauffret a écrit une vérité très importante, en tout cas pour moi : je fais partie de ceux qui n’ont jamais été totalement bien dans leur vie, même si elle n’a pas que des points négatifs. Et, pour le coup, mes instants de bonheur sont d’une intensité bouleversante, que je dois au fait de ne jamais avoir pu les trouver habituels mais d’avoir dû me battre pour les vivre. C’est quand on sait ce qu’est que la profonde tristesse qu’on peut être touchée au cœur par un rayon de soleil ou une fin d’après midi d’été couchée dans les herbes hautes… Je ressens bien plus que beaucoup d’autres l’émotion qu’apportent les instants parfaits : les regards complices avec les vrais amis par une belle soirée où l’on a besoin ni d’alcool ni de joints pour s’amuser ; le plaisir éprouvé devant les belles choses ; la sérénité, en haut d’une falaise aux pieds de laquelle des vagues secouées par le vent s’écrasent ; les déclarations d’amitié enflammées ; les mots d’amour qui ont du sens  ; et tous les moments de solitude, dans le bon sens du terme, où j’ai temporairement eu l’impression que l’on n’attendait rien de moi et que je n’attendais rien de personne…


Je ne suis peut-être pas de ceux qui vivent dans la félicité, mais les morceaux de bonheur que j’ai croqués avaient un goût plus fort et plus racé que sous la langue de tous les gens heureux.

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